Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance (LFF), revient sur les enjeux du développement du Luxembourg en tant que centre financier. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

Nicolas Mackel, CEO de Luxembourg for Finance (LFF), revient sur les enjeux du développement du Luxembourg en tant que centre financier. (Photo: Matic Zorman/Maison Moderne)

En février, l’agence de développement de la place financière, Luxembourg for Finance (LFF), célébrera son 15e anniversaire. Son CEO, Nicolas Mackel, dresse la liste des défis qui attendent son organisation et le centre financier.

Quel bilan dressez-vous des 15 années d’existence de LFF?

. – «Plutôt que d’établir un bilan, nous préférons voir comment seront les cinq prochaines années. Le monde a tellement changé, rien qu’au cours des trois années précédentes, que ça n’a pas beaucoup de sens de faire le bilan des 15 dernières années. D’autant plus que LFF n’existe qu’à travers ce que le Luxembourg peut offrir.

Quel est donc le succès du Luxembourg en tant que centre financier?

«L’emploi dans le secteur financier n’a cessé d’augmenter sur les 10 dernières années. Sur cette période, la Place a connu une croissance de presque 2% par an, et plus de 63.000 personnes qui y travaillent aujourd’hui. Le secteur contribue respectivement à près de 75% des recettes de l’impôt des sociétés et de l’impôt communal. La contribution de l’industrie financière au PIB a un peu reculé, mais se situe toujours autour de 25%.


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Comment vous y prenez-vous pour faire la promotion de quelque chose d’aussi immatériel que la Place?

«Ce que nous promouvons, c’est l’écosystème financier qui existe au Luxembourg. Si je prends l’exemple du Brexit, l’argument principal pour faire venir des acteurs au Luxembourg était justement l’existence de cet écosystème. Si nous avons réussi à faire venir davantage de gestionnaires d’actifs et de banquiers privés, c’est en raison cet écosystème, outillé adéquatement pour soutenir ces activités.

Cet écosystème se compose de professionnels et d’autorités qui connaissent leur métier, ainsi que d’un cadre règlementaire créé pour soutenir ces activités. Vous pouvez le promouvoir en tant qu’ensemble. Nous promouvons donc les avantages de cet écosystème dans son ensemble.

Ce que nous promouvons, c’est l’écosystème financier qui existe au Luxembourg.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance (LFF)

Et comment vous y prenez-vous pour développer la Place?

«LFF n’est pas le seul acteur à contribuer au développement de la Place. C’est surtout au sommet, à travers le Haut comité de la place financière – auquel nous participons – que les choses se passent, grâce à la contribution de plusieurs acteurs qui ont quelque chose à apporter et qui collaborent dans une série de groupes de travail.

À titre d’exemple, le RAIF (Reserved Alternative Investment Fund) est un produit issu du Haut comité de la place financière. La «Luxembourg Inc» montre que des acteurs peuvent être concurrents au quotidien, mais travaillent néanmoins ensemble pour la chose commune.

L’écosystème financier local est très riche, représenté par de nombreuses organisations segmentées par industries et par thématiques. Comment cela affecte-t-il votre mission?

«Nous couvrons toute l’industrie financière. Nous sommes donc agnostiques des secteurs. Nous traitons aussi bien de la fintech que de la finance durable, du private equity, de l’assurance ou des paiements. Nous pourrions parfois avoir l’impression qu’il y a un peu trop d’acteurs pour ce faire. Malgré tout, ce n’est pas quelque chose qui nous dérange dans notre travail. Il faut voir positivement cette multitude d’acteurs qui dégagent une forte énergie. De plus, quand un secteur spécifique se développe très bien, il développe aussi des besoins particuliers qui sont alors traités dans des enceintes qui leur sont entièrement dédiées. L’essentiel est que l’ensemble de l’écosystème dialogue. Le Haut comité de la place financière veille justement à une certaine convergence en ce sens.

Quel est le rôle de LFF dans cet écosystème?

«Nous faisons le lien entre le public et le privé, en plus d’être agnostique des intérêts d’un secteur individuel. Nous regardons les intérêts de la place luxembourgeoise dans son ensemble. Bien que la tendance au sein de l’industrie financière porte sur les actifs alternatifs, nous observons actuellement simultanément d’autres tendances tout aussi essentielles. Notre rôle est de nous assurer de la diversification de notre place financière.

Nous étudions, par exemple, quelles banques, quels assureurs, quelles sociétés de paiements, nous pouvons essayer d’attirer au Luxembourg. Également, tout le monde se rue vers les États-Unis. Pour notre part, nous allons aussi au Vietnam, en Inde, en Indonésie et au Brésil. Notre rôle est d’analyser les tendances et les opportunités à moyen et long terme. 

Nous regardons les intérêts de la place luxembourgeoise dans son ensemble.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance (LFF)

Sur quels marchés stratégiques portez-vous votre attention?

«Nos principaux marchés sont l’Europe occidentale avec la Suisse et le Royaume-Uni, l’Amérique du Nord et l’Asie avec un intérêt pour la Corée du Sud, le Japon et la Chine. Les marchés émergents comme l’Inde et le Vietnam vont prendre de plus en plus d’importance dans les années à venir.

Qu’en est-il des marchés africains?

«Jusqu’à présent, nos priorités ont été ailleurs. Avec les sources de croissance qui évoluent, nous allons peut-être devoir considérer certains marchés africains à l’avenir.

À l’étranger, comment définissez-vous la place financière luxembourgeoise, face aux craintes de concurrences entre centres financiers?

«J’explique la Place à mes interlocuteurs étrangers par la complémentarité, en leur faisant comprendre que sa valeur ajoutée se trouve dans l’expertise multijuridictionnelle que les acteurs financiers viennent y chercher. Le Luxembourg n’est pas concurrent de Paris ou Francfort.

Le Luxembourg n’est pas concurrent de Paris ou Francfort.
Nicolas Mackel

Nicolas MackelCEOLuxembourg for Finance (LFF)

Au niveau local, quels obstacles pourraient entraver le développement de la Place?

«Le coût de la main-d’œuvre au Luxembourg et la digitalisation amènent à ce que des activités présentes sur la Place soient appelées à être rationalisées.

Il en va d’une perte de compétitivité de la Place?

«La pénurie de talents est le problème numéro un de la Place. De nombreux acteurs ne peuvent plus développer l’activité qu’ils avaient prévue au Luxembourg et ils vont devoir la développer ailleurs. C’est un problème sur lequel il faut travailler de toute urgence en 2023. Réaliser une campagne à l’étranger pour recruter des talents est une chose, mais encore faut-il s’attaquer au problème à la base: le coût du logement. Quel que soit le prochain gouvernement, il faudra qu’il réalise que notre économie en dépend.

Au niveau international, comment voyez-vous les influences extérieures à la Place?

«Les marchés baissent et les avoirs sous gestion dans les fonds sont passés de presque 6.000 milliards au début de 2022 à 5.300 milliards. À cela, le contexte règlementaire fait qu’il est presque devenu suspect de fournir des services d’un pays vers un autre. L’enjeu est systémique pour le Luxembourg.

Cette interview est issue de la newsletter Paperjam + Delano Finance, le rendez-vous hebdomadaire pour suivre l’actualité financière au Luxembourg.