Une nouvelle vague réglementaire arrive sur le secteur financier. Notamment en matière ESG, la CSSF est prête à effectuer ses premiers contrôles. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

Une nouvelle vague réglementaire arrive sur le secteur financier. Notamment en matière ESG, la CSSF est prête à effectuer ses premiers contrôles. (Photo: Romain Gamba / Maison Moderne)

La reprise des activités post-estivales du secteur financier sera portée par un nouveau souffle réglementaire, axé sur le futur: les règles ESG. Simultanément, la Place devra affronter des fantômes du passé, démontrant à nouveau sa conformité avec les règles anti-blanchiment lors de la visite du Gafi.

Le tsunami réglementaire que vit le secteur financier depuis la crise de 2008 est loin de s’achever. Après une période d’accalmie, une nouvelle vague réglementaire s’annonce. Elle est verte. Le nouveau leitmotiv est la transition de l’économie vers la neutralité carbone. Et comme le secteur financier a pour mission de fournir à l’économie l’énergie nécessaire à son fonctionnement, il se retrouve en première ligne de cette transition.

La finance durable gagnant rapidement du terrain, particulièrement au Luxembourg, les produits ESG vivent leurs heures de gloire. Pour les institutions financières, la transition est totale, tant du point de vue commercial, opérationnel ou au niveau des ressources humaines. De plus en plus, les affaires réglementaires s’invitent dans la discussion, quitte à devenir l’un des principaux facteurs de la transformation en cours.

À l’instar des institutions financières, les autorités de supervision se sont emparées du domaine de la finance durable. Elles recrutent des coordinateurs ESG et organisent des programmes de formation dédiés pour leurs agents. En février, l’European securities and markets authority (ESMA) lançait une feuille de route sur la finance durable, hissant la lutte contre le «greenwashing» en haut des priorités. Par définition, les institutions financières se trouvent au plus près des entreprises et peuvent dès lors influer sur le respect des règles ESG par ces dernières.

Les institutions face aux failles du marché

Le problème est qu’à l’heure actuelle les données non-financières rapportées par les entreprises ont encore tendance à être incomplètes ou à manquer de justesse. Pourtant, ces données se trouvent des institutions financières. À nouveau, les entités surveillées seront tenues pour responsables des failles du marché dans la mesure où elles ne sont pas capables d’en atténuer et d’en gérer les risques.

Avec la taxonomie liée à la SFDR (Sustainable finance disclosure regulation), adoptée en avril, de nombreux gestionnaires de la Place sont occupés à requalifier leurs fonds en article 8 ou article 9. Malgré tout, beaucoup font preuve de réticence à requalifier leurs fonds en article 9 en raison des défis de disponibilité et de justesse des données. En cas d’incertitude, le couperet du régulateur tomberait immédiatement lors de la demande d’autorisation.

En outre, depuis août, les règles MiFID (Markets in financial instruments directive) imposent aux distributeurs de produits d’investissement d’interroger leurs clients pour créer leur profil en matière de finance durable. Un élément sur lequel la Commission de surveillance du secteur financier (CSSF) est déjà prête à effectuer . Pour ceux qui l’ignoraient encore, l’ESG est bel et bien devenu un enjeu réglementaire.

La conformité AML vivra encore de belles années

Simultanément, le passé réglementaire se rappelle au bon souvenir de la Place. Le Groupe d’action financière (Gafi) revient en novembre pour évaluer la capacité du pays à lutter contre la criminalité financière. indique que tous les derniers détails sont en phase de finalisation avant l’arrivée des évaluateurs. Le Luxembourg veut éviter d’être à nouveau pointé du doigt au jeu du «name and shame» international, à l’instar de la dernière évaluation en 2010.

Depuis une décennie, les gouvernements successifs se sont attelés à renforcer le dispositif anti-blanchiment du pays. Du point de vue du régulateur, le travail accompli aurait même rendu le Luxembourg plus robuste que d’autres États européens. Du coup, la pression sur les entités surveillées a été telle que des professionnels de la Place regrettent que le coût de la compliance ait atteint des records, rendant certaines ouvertures de comptes plus avantageuses à l’étranger qu’au Luxembourg.

L’évaluation du Gafi ne signifiera cependant pas la fin de l’agenda réglementaire anti-blanchiment. Alors que le législateur européen avait favorisé l’usage de six directives consécutives depuis 1991, il a dorénavant prévu de rendre son travail de normalisation plus efficace à l’aide de règlements. Des textes qui donneront d’ailleurs naissance en 2023 à l’AMLA (Anti-money laundering agency), dont le mandat sera de superviser directement certains acteurs du secteur financier, à l’échelle européenne. Soit un pas de géant vers la convergence de supervision financière et l’union des capitaux tant attendues. Actuellement, pas moins de 719 offres d’emplois sur la Place contiennent la mention «AML», signe que le secteur financier n’est pas au bout de ses peines.